L’analyse des interprétations que nous faisons de notre environnement social, et plus particulièrement les perceptions que nous construisons à propos des individus et groupes sociaux, constituent sans doute actuellement un des champs de recherche les plus développés en psychologie sociale. La compréhension des conduites humaines nécessite, en effet, la prise en compte des processus cognitifs et ne peut se limiter à ce qui est directement observable. Cette orientation anti-behavioriste, initiée par Heider, s’est considérablement développée et diversifiée ces 20 dernières années dans le cadre de la cognition sociale.
La cognition sociale a longtemps été assimilée à des processus cognitifs appliqués à des objets sociaux. Dans cette perspective, les études relevant de la cognition sociale, étaient avant tout focalisées sur l’analyse des processus de traitement de l’information. Cependant, la cognition sociale est aujourd’hui de plus en plus analysée en référence à des aspects motivationnels. C’est dans cette perspective que se situe l’approche pragmatique (Croizet & Fiske, 1998) sur laquelle s’appuient nos travaux. Cette approche théorique repose sur un élément clé : la cognition sociale est directement motivée par l’action, et plus particulièrement par les interactions sociales. Autrement dit, les phénomènes cognitifs répondent au principe d’utilité sociale, et ne peuvent être compris qu’en référence aux conduites sociales. (cf. axe 1)
Parallèlement, ces 20 dernières années, les recherches en cognition sociale ont complété l’étude des processus socio-cognitifs en introduisant de plus en plus largement la dimension affective (Zajonc, 2000). Dans cette perspective actuelle, les processus affectifs ne sont plus considérés comme un épiphénomène des processus cognitifs, c’est à dire, une dimension susceptible de biaiser le raisonnement. Au contraire, pour comprendre les conduites sociales, il paraît impossible de faire abstraction des réactions affectives qui interagissent avec les processus socio-cognitifs. (cf. axe 2). Si les premiers travaux intégrant les affects dans l’analyse de la cognition sociale se sont généralement limités à étudier le rôle de la valence des affects (dimension attirance-rejet), on tient aujourd’hui de plus en plus compte de la spécificité des émotions (Yabar & Philippot, 2000). En effet, c’est la prise en compte d’émotions spécifiques et des relations qu’elles entretiennent avec les cognitions, qui permettent de comprendre les conduites sociales. (cf. axe 3).
Définition des objets de la recherche
En centrant nos objets d’études sur l’analyse conjointe des processus affectifs et cognitifs dans l’interprétation que l’individu élabore à propos de son environnement social, nos travaux s’inscrivent naturellement dans la thématique du laboratoire : l’interprétation de l’environnement est assimilable à une forme de connaissance relevant d’une construction subjective, et ceci d’autant plus que nos analyses intègrent la dimension affective. Cette construction subjective ne peut être comprise qu’en référence aux liens sociaux : elle dépend des interactions (passées et envisagées) avec autrui, et, de manière plus générale, de l’insertion de l’individu dans un contexte socio-culturel avec les normes et les valeurs qui lui sont propres. La prise en compte de la notion de lien social constitue en effet l’essence de l’approche psycho-sociale (Beauvois, 1999).
L’inscription de nos thématiques de recherche dans celle de l’unité facilite la collaboration avec des chercheurs relevant d’autres sous-disciplines de la psychologie. Cette collaboration offre un éclairage complémentaire à celui de l’approche psycho-sociale sur des concepts tels que l’émotion, la cognition, la perception ou la représentation – qui ne sont d’ailleurs pas des concepts propres à la psychologie sociale.
Définition des méthodes de la recherche
Sur le plan méthodologique, nos travaux relèvent essentiellement d’une approche expérimentale, complétée par des enquêtes psycho-sociales. Cependant, d’autres méthodologies à la fois sur le plan du recueil de données (telles que l’entretien de recherche ou les méthodes associatives) et sur le plan de l’analyse des données (telle que l’analyse de contenu) nous semblent indispensables à une compréhension en profondeur des phénomènes étudiés. Là encore, la pluridisciplinarité du laboratoire ne peut être que bénéfique à l’avancement de nos travaux.
Axe 1 : Processus perceptifs et conduites sociales
En référence au courant pragmatique prépondérant dans les travaux actuels en psychologie sociale, les processus perceptifs ne peuvent être analysés qu’en référence aux objectifs d’action et d’interaction du percevant. Dans cette optique, notre objectif est d’étudier le lien entre la perception de l’environnement social et les conduites qui en résultent.
· Rôle de la comparaison sociale dans la perception du risque et les comportements à risque
(Florence Spitzenstetter)
Ces recherches ont pour but de mieux comprendre le processus d’évaluation du risque personnel et son incidence sur les comportements. Il s’agit plus précisément de déterminer quelles sont les circonstances (en termes par exemple de familiarité, d’état affectif de degré de conséquence) qui amènent l’individu à recourir à la comparaison sociale pour évaluer son propre risque. Il s’agit également de déterminer dans quelle mesure cette comparaison à autrui, le plus souvent auto-favorable (biais d’optimisme comparatif), conduit à l’accentuation des prises de risque notamment dans le domaine de la santé.
· Rôle du niveau d’information sur la perception du risque personnel et les comportements des consommateurs »
(Florence Spitzenstetter en collaboration avec les sciences économiques (Anne Rozan, B.E.T.A., ULP et Ken BOUN MY, Ingénieur d’études C.N.R.S., B.E.T.A., ULP)
Ce projet vise à étudier comment l’investissement économique individuel en matière de santé peut être influencé par la perception du risque. Cette dernière peut elle-même être modulée par la nature de l’information dont l’individu dispose et le contrôle que celui-ci pense pouvoir exercer sur les événements. Nous étudierons plus précisément l’impact de ces facteurs sur la perception des risques liés à la consommation de certains aliments et d’autre part nous en observerons les conséquences en terme d’intentions comportementales et de consentement à payer.
Contrat du Conseil Scientifique de l’ULP
· Perception de la discrimination du point de vue de la victime handicapée (Pascale Salhani)
Le phénomène de la discrimination implique une interaction entre l’acteur et la cible du préjudice. L’objectif de nos travaux est de comprendre la discrimination, en considérant le point de vue de la personne handicapée sur trois dimensions :
Cognitive : comment les personnes handicapées physiques et sensorielles (surdité et cécité) perçoivent-elles les discriminations dont elles sont victimes ?
Affective : comment y réagissent-elles émotionnellement ?
Comportementale : comment agissent-elles, quelles stratégies développent-elles face à ces discriminations ?
· Image du handicap et conduites discriminatoires à l’égard des personnes handicapées
(Eva Louvet & Odile Rohmer)
Afin d’aller plus en avant dans la compréhension des conduites discriminatoires, notre objectif est de nous appuyer sur deux courants théoriques en psychologie sociale : celui de la perception sociale et celui des représentations sociales. Ces deux approches nous semblent complémentaires, bien qu’elles soient généralement étudiées de façon distincte dans la littérature. En effet, les conduites sociales à l’égard des personnes handicapées résultent autant de la perception de ce groupe social que de la représentation du concept de handicap. Notre ambition est de construire un modèle intégrateur des deux approches. La mise à l’épreuve des variables intervenant dans ce modèle nous permettra de mieux comprendre les déterminants psycho-sociaux des conduites.
Projet de recherche ayant reçu l’avis favorable du comité scientifique de la Fondation MAIF (en attente de décision du CA).
· Situations de handicap et conduites sociales
(Eva Louvet & Odile Rohmer)
Après avoir centré nos études sur le handicap physique, nos projets consistent à élargir nos travaux à d’autres types de déficiences (sensoriel, mental, traumatisme crânien,…), voire à des situations pouvant être définies comme handicapantes (obésité, vieillesse, illettrisme,…). Cet élargissement devrait nous permettre de mieux définir la notion de handicap en tant que construction psycho-sociale. C’est en cernant les limites du concept de handicap que l’on pourra mieux comprendre les conduites à l’égard des personnes handicapées.
Projet en collaboration avec l’European Platform for Vocational Rehabilitation, et plus particulièrement de Centre de Réadaptation fonctionnelle de Mulhouse.
Projet soumis à la Fondation MAAF en réponse à l’appel d’offres concernant les traumatisés crâniens.
· Croyances normatives et comportements agressifs
(Pascale Salhani, Mohamed Derghal, Anne-Sophie Henner)
Il s’agit d’étudier les relations réciproques entre le comportement agressif et la perception de l’environnement social. Plus particulièrement, les comportements agressifs sont-ils le résultat de certaines croyances normatives, telles que la croyance en la légitimité de la violence ou l’attribution d’intentions hostiles.
Ces recherches fondamentales donneront lieu au développement de programmes de prévention de la violence.
· Perception du risque et accidents du travail
(Florence Spitzenstetter et Didier Raffin)
Ce projet s’articule autour de deux points. Il s’agit d’une part de traduire et valider une échelle de climat de sécurité, révélatrice de la perception du risque en milieu professionnel, dans des entreprises françaises. D’autre part, il s’agit d’étudier l’impact de la comparaison sociale et du biais d’optimisme (la tendance des individus à considérer leur risque comme inférieur à celui d’autrui) dans le domaine des accidents du travail.
· La violence au travail
(Pascale Salhani et Alexandra Didry)
En dépit de l’intérêt et de la réprobation que suscite la violence au travail, les données quantitatives sur le phénomène sont rares. L’étude se propose :
1.d’établir la typologie et la fréquence de différentes formes de comportements violents en milieu de travail (entreprise, hôpital…)
2.d’étudier les déterminants qui favorisent l’émergence de ce type de violence.
Axe 2 : Relation entre réactions affectives et perception de l’environnement social
Dans les recherches récentes en psychologie sociale, la dimension affective n’est plus considérée comme un épiphénomène susceptible de biaiser l’analyse rationnelle de l’information, mais comme une dimension fondamentale dans la perception de l’environnement social. Dans cette perspective, il s’agit de comprendre en quoi les réactions affectives de l’individu face à son environnement interagissent avec l’analyse cognitive des informations disponibles.
· Les réactions affectives dans la représentation du handicap et la perception à l’égard des personnes handicapées
(Eva Louvet et Odile Rohmer)
Nos précédentes recherches se sont attachées à montrer que la perception sociale à l’égard des personnes handicapées se nourrit de réactions affectives. Nos résultats semblent mettre en évidence que certaines de ces réactions seraient davantage provoquées par l’image du handicap que par la personne handicapée elle-même. Notre objectif est de montrer que, de façon analogue à la perception sociale, les représentations sociales du handicap se construisent également en intégrant des dimensions affectives.
· Perception de la discrimination du point de vue de la victime handicapée
(Pascale Salhani)
Le phénomène de la discrimination implique une interaction entre l’acteur et la cible du préjudice. L’objectif de nos travaux est de comprendre la discrimination, en considérant le point de vue de la victime sur trois dimensions :
– Cognitive : comment les personnes handicapées physiques et sensorielles (surdité et cécité) perçoivent-elles les discriminations dont elles sont victimes ?
– Affective : comment y réagissent-elles émotionnellement ?
– Comportementale : comment agissent-elles, quelles stratégies développent-elles face à ces discriminations ?
· Réactions affectives au message persuasif et changement d’attitudes
(Pascale Salhani et David Schwarz)
Dans la continuité des études en cours, nous nous intéressons à la fois à l’intensité et à la nature des réactions affectives suscitées par le message persuasif en relation avec le traitement des informations et le changement d’attitudes.
Axe 3 : L’impact d’émotions spécifiques sur des processus socio-cognitifs
En dépassant la dimension de la valence du processus affectif, il s’agit d’étudier l’effet de certaines émotions spécifiques sur le traitement de l’information et les conduites sociales qui peuvent en découler.
· Effets de l’anxiété (trait et état) sur la prise de risque, notamment dans le domaine financier et entrepreneurial
(Pascale Salhani, Marie-Anne Kling)
Le but de cette étude est double. Il s’agit
1. de montrer que les effets des émotions négatives ne sont pas équivalents.
2. de s’intéresser à la prise de risque entrepreneuriale rarement étudiée dans la littérature.
· Effets de la colère sur le comportement agressif
(Pascale Salhani, Mohamed Derghal, Anne-Sophie Henner)
Les études semblent démontrer que la colère ne constituerait une incitation à l’agression que lorsque les individus subissent une injustice. Goldberg, Lerner et Tetlock (2000) ont démontré cette médiation de l’effet de la colère sur les comportements agressifs pour des évaluations d’injustice concernant une situation hypothétique, mais pas pour une réelle injustice subie. Nous cherchons à étudier :
1. les effets de l’injustice réelle (ou du sentiment d’injustice) à l’égard de soi ou à l’égard de son groupe d’appartenance en tant qu’inductrice de la colère et l’effet de cette dernière sur le comportement agressif
2. les effets de la colère –trait- et de la colère –état- (induite par d’autres moyens que l’injustice) sur le comportement agressif
Hors axes principaux : Projets en collaboration avec d’autres laboratoires
Parallèlement à nos différents travaux au sein de l’équipe de psychologie sociale, nous mettons en place et participons à des projets valorisant l’approche pluri-disciplinaire d’un problème social. Dans le cadre de ces collaborations, nous apportons des éléments théoriques permettant l’éclairage psychosocial de la thématique et les outils méthodologiques spécifiques à notre approche expérimentale.
· « Optimisation du temps scolaire : approche pluridisciplinaire »
(E.Demont, E.Louvet, O.Rohmer)
en collaboration avec le CEPA (A.Muzet, P.Tassi, A. Bonnefond) et l’équipe « Temps, Emotion, Cognition » de Lille II (C.Leconte, C.Humez, A.S.Lassale)
Cette étude vise à manipuler différents facteurs potentiellement impliqués dans la gestion du temps scolaire et péri-scolaire, afin de dégager quelles pourraient être les priorités en matière d’éducation, comment optimiser l’aménagement des cours, à la fois au sein de la journée et en tenant compte du jour de la semaine.
Projet financé par le Ministère de la Recherche dans le cadre du programme « Cognitique ».
· « Rythmes biologiques et mémoire au cours du vieillissement : approche cognitive, sociale et neurobiologique »
(Odile Rohmer et Eva Louvet)
en collaboration avec le CEPA et le Laboratoire de Neurobiologie des Rythmes, ULP-CNRS :
Ce projet s’inscrit dans une triple perspective qui vise à offrir la compréhension la plus complète possible des mécanismes en jeu dans la régulation temporelle chez le sujet vieillissant. Plus précisément, il s’agit d’étudier les processus mnésiques d’un point de vue cognitif et neurobiologique. L’approche sociale permet de façon complémentaire d’analyser la perception à l’égard des personnes âgées, et plus particulièrement de leurs potentialités cognitives.
Réponse à l’appel d’offres conjoint du Ministère de la Recherche, du CNRS, de l’INSERM, de l’INED et de l’Association France-Alzheimer « Personnes âgées et longévité » (en cours d’expertise).